• Le loup et l'agneau Par Pénélope

    Le Loup et l'Agneau

    La raison du plus fort et toujours la meilleure :

    Nous l'allons montrer tout à l'heure.

    Un Agneau se désaltérait

    Dans le courant d'un onde pure.

    Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,

    Et que la faim en ces lieux attirait.

    Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?

    Dit cet animal plein de rage :

    Tu seras châtié de ta témérité

    -Sire répond l'Agneau, que votre majesté

    Ne se mette pas en colère,

    Mais plutôt qu'elle considère

    Que je me vas désaltérant

    Dans le courant,

    Plus de vingt pas au dessus d'Elle

    ET que par conséquent, en aucune façon,

    Je ne puis troubler sa boisson.

     Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,

    Et je sais que de moi tu médis l'an passé.

    Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?

     Reprit l'Agneau ; je tette encor ma mère 

    Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.

     Je n'en ai point. C'est donc quelqu'un des tiens:

    Car vous ne m'épargnez guère,

    Vous, vos Bergers et vos Chiens.

    On me l'a dit : il faut que je me venge."
     Là-dessus, au fond des forêts

    Le Loup l'emporte et puis le mange,

    Sans autre forme de procès.                    

    La Fontaine, les fables 1668